samedi 8 novembre 2014

On revisite : ça "conte" toujours ?

De grands albums et des plus petits, des albums pour les plus grands, d'autres pour les plus jeunes, il y en a des dizaines et des dizaines autour des contes classiques. Ils sont aussi revisités. C'est l'idée de cette sélection en deux parties. 
Bou et les 3 Zours. On sait à peu près dans quelle aventure on part quand on s'apprête à ouvrir Bou et les 3 zours. Pas du tout à quelle langue on va être mangés. Et on ne le sait toujours pas non plus quand on referme le livre. Le Goncourt qui joue du Fragnol n'a qu'à bien se tenir. Dans sa version revisitée de Boucle d'or et les trois ours, Elsa Valentin créé son propre idiome en mêlant au français accents et verbiages des îles, sonorités, mais aussi vieux français, anglais, italien, patois de ci ou bien de là, onomatopées, mots valises comme ce lit moelludoux et autres formes qui sans dessus ni dessous trouvent tout de même un sens et c'est ce qui est formidable. Des mots chantants pour suivre la jolie Bou dans une forêt luxuriante et peuplée de petites êtres et de végétaux qui la guideront et lui feront la conversation jusqu'à ce qu'elle tombe par hasard, tombe de fatigue, tombe tout court, dans l'antre des trois ours. Elle jouera le jeu de la soupe, du lit et des chaises, tout comme la petite fille aux boucles blondes des frères Grimm. Une lecture à voix haute s'impose pour rendre au texte sa mélodie, son jeu avec les sonorités, son sens aussi, peu évident à trouver en début de lecture. Le personnage, petites couettes et robe à motifs comme sait si bien le faire Ilya Green, et l'ensemble des paysages et des détails sont sublimes et donnent à l'album un air naïf et coloré, tendre et onirique. Un album magnifique pour ouvrir de grands yeux comme Bou mais aussi ouvrir en grand les oreilles pour écouter chanter la langue. *** Coup de cœur***
A découvrir Ici sur le site de L'atelier du Poisson Soluble
Un petit chaperon rouge de Claude Clément et Isabelle Forestier. Et si le loup errait non loin de la cité des Bergeries ? C'est ce qu'il fait effectivement dans la version du conte classique que Claude Clément revisite en proposant non pas le mais un chaperon rouge. Non pas L' mais une histoire. Son histoire qui se situe dans un quartier isolé, grande ville, cité, orée de la forêt. Le fil se déroule, le fil rouge du conte, rouge comme le Chaperon Rouge dont, revêtue de son nouveau chapeau, on avait oublié le vrai prénom. N'empêche, le fil se déroule, la grand-mère tombe malade et il faudra à l'enfant porter un panier de victuailles pour le goûter et le bois traverser. N'empêche la fillette croise le loup, cueille des fleurs et s'écarte du chemin tandis qu'il la précède, fait ce qu'il a à faire avec la chevillette et bobinette et croque la grand-mère puis la remplace en attendant l'enfant. Mais il ne s'agit pas là de croquer l'enfant, mais de la manger autrement et sans vêtement. L'album illustré dans des teintes très sombres est remarquable et offre une relecture intense et forte d'un conte bien loin d'être bon enfant.*** Coup de cœur***
Mille petits poucets de Yann Autret et Sylvie Serprix. Pas un mais mille, mille petits poucets à quelques-uns près mais pas tout de suite, pas au tout début de l'histoire. Il faudra attendre un peu pour dénombrer autant d'enfants. Car avant, bien avant, le papa des enfants - quelques-uns, pas beaucoup mais déjà trop pour leurs parents pauvres - un homme doux et bon, est contraint et forcé par sa femme infâme de devoir les abandonnés dans la forêt. Comme le Petit Poucet. Oui mais voilà, elle est célèbre l'histoire du Petit Poucet de Perrault et ses enfants la connaissent. Alors ils ne lâchent pas d'une semelle leur père quand il les conduit dans la forêt. Ce qu'il fait chaque dimanche. Chaque dimanche oui, car il n'arrive pas à les perdre. Plus surprenant même, chaque fois qu'il rentre à la maison, il revient avec encore plus d'enfants. Ceux que leurs parents plus habiles ou moins sensibles ont réussi à perdre et qui se raccrochent à la file de plus en plus longue qui suit le père. La mère irritée et toujours aussi méchante décide d'aider le bon père à perdre toute cette bande d'enfants. Dommage, c'est elle qui s'égare et pas grand monde n'a envie de la retrouver, il faut dire. L'histoire n'est pas tout à fait finie, il faut bien que l'homme soit récompensé pour sa bonté, qu'il trouve amour, vie tranquille et heureuse mais peut-être pas en donnant vie à d'autres enfants, il en a déjà plein. Allez savoir comment sans oublier la moralité de l'histoire "Ne rasez pas les forêts, elles sont pleines d'enfants, on peut y perdre les méchants et cueillir des farfadets".  J'ai beaucoup aimé cette histoire, bien écrite, bien menée, surprenante, écrite avec finesse, sensibilité, humour et délicatesse. Je passe en revanche vraiment  côté des illustrations et de la mise en forme même si j'ai relevé avec plaisir quelques facéties données par l'image, comme cette collection d'enfants qui a pour lit une boîte de sardines, mais vraiment je suis très loin de l'univers graphique, dense, touffus et flou de Sylvie Serprix dans cet album là et qui malheureusement étouffe l'histoire. Quel dommage. 

Rouge d'Alice Brière-Haquet et Elise Carpentier. Une petite mamie au fond des bois adule le rouge, de celui de ses joues à celui de sa robe en passant par celui de son rosier. "C'était sa couleur adorée". Elle passe se journées à tricoter, rouge, pour sa petite fille adorée, elle aussi. Chaussettes, gants mignons, écharpe et cache-oreille, et à chaque fois qu'elle lui fait don d'une de ses merveilles, il arrive un truc incroyable à l'enfant que nul ne laisse tranquille. Les limaces attaquent ses pieds, les lapins ses mains, les oiseaux sa tête. Y a pas d'alouette. En revanche, il y a pour mamie une sacrée idée, une combin' rouge qui habille l'enfant de la tête au pied, "Avec ça crois moi, il ne pourra rien t'arriver". C'est ainsi qu'elle créé une sorte de chaperon. Mais là pour sûr, plus personne ne va sortir de l'histoire et on peut déjà raconter la suite. L'histoire bien plus connue du Petite chaperon rouge ! Une écriture dynamique, facétieuse et enjouée, on a grand plaisir à retrouver dans ce tout petit album la fine lame d'Alice Brière-Haquet, délicieusement suivie par Elise Carpentier qui montre ce qu'on ne dit pas toujours. *** Coup de cœur*** 

*** Les références ***
Bou et les 3 zours d'Elsa Valentin et Ilya Green - Editions L'atelier du poisson soluble- avril 2008 - 15 € - à partir de 4 ans *** coup de cœur ***
Un petit chaperon rouge de Claude Clément et Isabelle Forestier - Editions Grasset Jeunesse - octobre 2000 - 10,52 € - à partir de 5 ans *** coup de cœur ***
Mille petits poucets de Yann AUtret et Sylvie Serprix - Editions Grasset Jeunesse - 2011 - 15 € - à partir de 6 ans
* Rouge d'Alice Brière-Haquet et Elise Carpentier - Editions Motus - octobre 2000 - 11 € - à partir de 3 ans *** coup de cœur ***

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