vendredi 9 novembre 2012

La pouilleuse et le mal de mer

Dans mon sommeil, je me vois écouter la radio, celle du radio-réveil et mes oreilles pas tout à fait réveillées captent une info : des adolescentes ont tabassé une enfant pour zZzZz. Je me retourne dans mon lit et pense, ce bouquin, il me suit, il me hante. J'ouvre les yeux, je suis vraiment dans mon lit, il est 6h00 et des poussières, flux de la radio, France Inter. Les yeux ouverts. Les yeux ouverts du coup ! Je me demande vraiment si l'info que j'ai entendue est vraie ou si ce bouquin que j'ai lu il y a peu, fait des siennes dans mes rêves. Ce bouquin, c'est La Pouilleuse. Facile de retrouver l'info : elle est réelle. Mais d'autant plus perturbant - même si ce réel ne va pas si loin que la fiction de Clémentine Beauvais - qu'il y donne une résonance âpre. Et c'est toute la qualité de ce roman. Un groupe d'ados, élèves de seconde au coeur de Paris, traîne dans les rues, sèche les cours. Des petits bourgeois qui se la jouent 'rebelle' et qui vont complètement déraper en croisant une petite fille noire d'origine africaine, une tête qui ne leur revient pas, une tête sur laquelle ils aperçoivent un pou. On ne sait pas pourquoi ni comment, toutes les barrières sautent. Et le lecteur suit, dans la vraisemblance, le groupe qui enlève l'enfant, la séquestre dans un appartement, avec au moins un objectif admis, celui de l'épouiller. Pour le reste, pour la suite, je vous laisse ouvrir vous même ce roman pour découvrir jusqu'au ils vont tous aller, s'entraînant les uns les autres, entre leaders et moutons silencieux, ils seront tous responsables, tous coupables. La narration est menée avec brio, tout en tension par Clémentine Beauvais qui  pointe tout de rouge, la limite fragile entre le racisme dit 'ordinaire' et des scènes qui pourraient tourner à l'horreur. Il y a moins d'un pas, et c'est bien là, le drame. J'ai refermé le livre, un matin dans le train. J'ai eu mal au ventre un bon moment dans la matinée, le noeud dans la gorge, le mal de mer. Rien de surprenant que je pense que ce roman puisse s'inviter dans mon sommeil. ça n'a pourtant pas été le cas : l'enfant de la radio, elle, s'est fait tabasser parce qu'elle était trop maigre.

La Pouilleuse, Clémentine Beauvais, Editions Sarbacane, août 2012 - 8,50 €
A partir de 14 ans
En partenariat avec Amnesty International


Du côté des Croqueurs d'A l'Ombre du Grand Arbre retrouvez l'avis de Gabriel de La Mare aux mots Ici et son interview de l'auteure


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