lundi 20 février 2012

Ce qu'on ne sait pas.

Ce qu’on ne sait pas quand on perd son compagnon, c’est que non seulement on le perd, lui. A jamais. Avec toute la résonnance de douleur et d’injustice que cela prend forcément, d’une façon ou d’une autre. Mais on se rend compte aussi qu’on a perdu une partie de soi. J’ai perdu l’homme avec qui j’ai passé quasiment un tiers de ma vie. 34 ans. J’avais 34 ans. A peine. Il a été embarqué, il n'avait pas 33. Cataclysme.Dans la douleur du manque, de l’absence, on ne se regarde plus pareil. On n’est plus pareil. On naît plus pareil. Forcément. Et l’expression « sa moitié » qu’on colle parfois à l’autre du couple, prend une autre dimension. Quand on perd l’autre on se perd aussi soi. Parce qu’il n’y a plus personne qui nous regarde, nous définit, nous appelle et nous aime comme il le faisait. Quand je l’ai perdu, je me suis perdue. Un peu, beaucoup. Pas à la folie car me cœur de marin a navigué malgré la tempête. Mais tout de même. Je me suis perdue. Je suis encore perdue. Double peine.
 J’ai perdu ses mains, ses yeux. J’ai perdu la complicité des regards, j’ai perdu mon surnom et l’identité qu’il signifiait, ce qu’il aimait de moi. J’ai perdu son regard sur moi. Mon miroir. Unique.  J’ai perdu mes années facs, Rennes, ma vingtaine, ma vie parisienne. J'ai perdu des histoires, des anecdotes, des morceaux du puzzle qu’on construisait. Des neurones, des souvenirs. Black out.  Je ne me souviens plus tout à fait de ma vie d’avant. Ou par bribes, peut-être. Flash back. Réminiscence. Intenses. Qui lie, qui fait le lien ? Mon passé se redessine en pointillés.  J’ai perdu sa peau contre la mienne, j’ai perdu son odeur,  son cœur, j’ai perdu nos échanges radieux, nos engueulades,  nos prises de gueule. J’ai perdu ma mauvaise humeur.  Celle qu'on inflige à l’élu de son cœur. Celle qu’on a là, au fin fond de notre intimité.  J’ai perdu le combat qu’on a mené ensemble contre la maladie. Lui aussi, de tout son lui.  
J’ai perdu la direction, de nos goûts, de nos passions, de nos convictions.

9 commentaires:

  1. Ce qu'on ne sait pas quand on se perd, c'est qu'on se retrouve. Pas comme avant, pas le chemin d'avant. On retrace sa route, on poursuit son chemin. On met un peu de l'autre chaque jour dans ce qu'on fait, en radar automatique quand la tempête nous fait mettre un genou à terre. Mais on est là. Pas tout à fait moitié, pas tout à fait entière.
    Ce qu'on a du mal à croire, c'est qu'on va s'en sortir vivante...
    Et pourtant !

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  2. Je viens de terminer la lecture de "d'autres vies que la mienne" d'Emmanuel Carrère. Cette lecture m'a beaucoup fait penser à vous (si tu l'as lu tu t'en doutes forcément) mais cette démarche d'écriture (qui est là l'oeuvre d'une tierce personne, extérieure au vécu personnel et intime, qui ne fait que retranscrire)me conforte dans l'idée que tu devrais écrire. Je veux dire écrire en plus d'ici.

    Ecrire parce que tout est encore très présent en toi, pour garder des petits bouts de la moitié de toi que tu sens que tu perds...
    Je ne sais pas si je suis claire, ni légitime d'ailleurs...
    Je pense que ça vaut le coup pour toi, pour vos enfants, et puis pour lui.
    C'est sûrement plus facile à dire qu'à faire puisque rien qu'en t'écrivant ces mots les larmes coulent sur mes joues...


    Mais ta plume est tellement fluide et belle, même si c'est pour rester dans ton coffre fort(!)
    En dehors de tout ce que tu pourras dire et raconter à Célestin et Madeline au fur et à mesure qu'ils vont grandir, j'imagine ça comme un cadeau pour eux.

    C'est une idée qui me trotte en tête depuis longtemps, j'avais envie de t'en parler et puis ce soir j'ai lu ton post, cet après-midi j'ai fini la lecture de Carrère...

    Si ce comm (qui doit être le plus long de l'histoire des comms !) t'ennuies, tu peux l'effacer.

    Comme je l'ai écris, je ne suis pas forcément légitime pour te parler de ça... (qu'est-ce que j'y connais, moi ?)

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  3. J'y pense et puis j'oublie, c'est la vie, c'est la vie ;)
    (merci ;) )

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  4. On naît plus pareil.mais tu sais ce que tu es ...il te l'as dit !!!!!
    Celui que je ne suis pas !!!!!!!!!!!!!!!!
    Etre ce que je ne suis pas
    Vouloir être sans paraitre
    Ne plus être ce que je suis
    Mais qui suis-je sans vouloir le suivre ?
    Je suis celui que je ne suis pas
    Un être que je ne veux plus être
    Je pense donc je suis
    Qui donc suis-je ?
    En train de suivre qui ?
    Qui me dit que je suis ?
    Que je suis ou qui je suis ?
    Quelle ligne suivre ?
    Si je suis celui que je suis, qui est donc l’être qui se trouve devant moi ?
    A quoi bon le suivre si je sais qui il est puisque je le hais………………………..
    Ne plus être ce que cet être laisse paraitre.
    Etre pour être, sans mal-être.
    Je suis l’être qui ne suit plus…………………..
    courage, tu es une bien belle femme!!!!!!!!!!!!!

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  5. On ne se connaît pas pour de vrai, je sais... Mais tes mots me collent des larmes tout près du bord des yeux, je t'envoie des pensées bien inutiles mais sincères...
    (je suis une copine de la si chouette Valkikou, pour que tu situes !)

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  6. je crois que tout personne ayant vécu un deuil d'un proche, conjoint, parent enfant,frère soeur, se reconnait dans ton message.L'amour c'est l'amour . en te lisant je ressent cette douleur, celle que je traine et que je ne peux ni ne veut oublier car autour de soi les gens ne se rendent pas compte que pour ceux qui ont perdu un proche la vie doit continuer mais que bien souvent si on avance parce qu'il le faut. notre coeur lui n'a pas envie que le tmeps passe. on ne veut pas oublier, on ne peut pas. on fini par avoir l'impression qu'on est un peu les seuls a y penser encore.
    courage. ta plume me touche et je me reconnait meme si moi c'etait mon père.

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  7. Je te suivais far facebook, et puis je suis venue découvrir ton site. J'ai lu tous les articles jusque là. C'est rempli d'emotions et d'amour, tu écris merveilleusement bien !

    Melody (Melou, de pix'n dogs !)

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